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[INTERVIEW] Kavidas Ramano

« Le plastique continue d’être abusivement utilisé... »

 À l’initiative du mouvement Bag Free World, chaque 3 juillet depuis 2010 est marqué par la célébration de la journée sans sacs plastiques. Matière ultra-polluante qui fait partie intégrante de notre quotidien depuis des lustres, le plastique tient son origine du processus du raffinage du pétrole et est donc très dangereux pour la santé. À METRO PRESSE, qui l’a sollicité pour un entretien en fin de semaine, le ministre de l’Envi- ronnement, de la Gestion des Déchets Solides et du Changement Climatique expose les difficultés, les enjeux et la politique mise en place par son ministère.

7 juillet 2023

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner une idée de la politique de votre ministère concernant l’utili- sation du plastique dans sa globalité?

A travers le Programme gouverne- mental 2020-2024, mon ministère s’est engagé à atteindre l’objectif d’une poli- tique de développement écologique- ment responsable et plus durable visant à faire de l’île Maurice un pays plus vert, plus propre et sans plastique dans les plus brefs délais.

Au fil du temps, le manque de civisme de nos concitoyens a entraîné l’appari- tion de décharges sauvages de déchets plastiques en tout genre le long des routes, un peu partout dans le pays, y compris nos décharges, nos cours d’eau et nos plages. C’est pénible et mon ministère a pris des mesures régle- mentaires pour interdire la possession, l’importation, la fabrication et l’utilisa- tion, entre autres, de sacs en plastique et de couverts jetables à usage unique non-biodégradables, dont les assi- ettes, les bols, les tasses, les plateaux

et les plats à emporter. Dans la même perspective, pour réduire la pollution causée par les bouteilles en plastique et les bouteilles en PET, la fabrication et l’importation de boissons gazeuses/non gazeuses/alcoolisées/non alcoolisées seront réglementées par le biais du “The Environment Protection (Polyethyl- ene Terephthalate (PET) Bottle Permit) Regulations 2001” qui est en cours de révision. Ce nouveau règlement prévoit un régime collectif de responsabilité élargie des producteurs (REP) pour les contenants de boissons (bouteilles en plastique/PET) dans le but d’atteindre un taux de collecte et de recyclage d’au moins 80 % dans les plus brefs délais, réduisant ainsi le niveau de pollution de l’environnement.

Quels sont les principaux objectifs
et mesures de votre ministère pour réduire l’utilisation du plastique dans le temps ?
Les mesures réglementaires audacieus- es prises en 2020 pour lutter contre
la pollution plastique sous toutes ses formes ont été acceptées et adoptées par tout le monde. Des changements positifs et visibles dans les habitudes et attitudes des consommateurs, des fab- ricants et des commerçants en faveur de l’utilisation de sacs en plastique biodégradables et de sacs écologiques durables ont été remarqués. L’utili-sation de produits biodégradables à usage unique dans les établissements de restauration, ainsi que l’adoption
de sacs écologiques réutilisables et biodégradables dans les commerces est remarquable et très encourageante. Laformulation d’une feuille de route permet- tra une élimination progressive d’autres plastiques problématiques et le recyclage des déchets plastiques. La révision du “The Environment Protection (Polyethylene Terephthalate (PET) Bottle Permit) Regula- tions 2001” vise à réduire la pollution des bouteilles en plastique et des bouteilles PET en réglementant la fabrication et l’importa- tion de boissons gazeuses/non gazeuses/ alcoolisées/non alcoolisées.

Le “Waste Management and Resource Recovery Act 2023” vise également à promouvoir l’économie circulaire grâce
à un régime collectif de Responsabilité Élargie des Producteurs (REP) concernant les conteneurs, y compris les canettes en aluminium et les Tetrapak. Les producteurs seront contraints de réduire et d’éliminer les produits chimiques dangereux tels que les additifs, les pigments, les retardateurs de flamme et les plastifiants, ainsi que les

polymères préoccupants, afin d’améliorer le recyclage de ces conteneurs. La loi concern- era 10 autres produits à usage unique et il y aura des alternatives facilement disponibles à des prix abordables.

Comment interprétez-vous les progrès réalisés dans la lutte contre l’utilisation des sacs en plastique à ce jour ?
Le gouvernement met tout en œuvre pour lutter contre la pollution plastique, mais, c’est un défi complexe en raison de l’omniprésence du plastique dans notre quotidien. Malgré les mesures politiques et réglementaires, des types de plastique continuent d’être abusivement utilisés pour les emballages. Des sacs biodégradables contrefaits ont été découverts. Les autorités ont procédé à des saisies lors d’opérations de répression.

Les marchands et les supermarchés sont parfois trompés par de faux sacs en plastique biodégradable. Des contenants à usage unique en polystyrène et des bar- quettes de fruits en plastique sont égale- ment importés et vendus sur le marché noir. Depuis janvier 2021 jusqu’au 29 mai 2023, en collaboration avec les agents de la Police de l’Environnement, les douaniers et les autorités locales, 1 852 points de vente et étals ont été inspectés. 429 commerçants ont été verbalisés et un total de 390 266 unités de produits en plastique à usage unique interdits, 195 966 unités ainsi que 159 kg de sacs en plastique interdits saisis.

Quid des efforts des entreprises pour réduire leur consommation de plastique? Avez-vous des réserves ? Etes-vous satisfait ?
Il est encourageant de constater que cer- taines entreprises dans divers secteurs tels que la fabrication, l’hôtellerie, la distribu- tion, entre autres, ont pris des initiatives volontaires pour réduire leur empreinte écologique et carbone afin de protéger l’environnement.
Certains ont adopté des solutions créatives et innovantes pour réduire l’utilisation de plastique et d’emballages à usage unique en appliquant les principes des 6 R : Réduire, Réutiliser, Recycler, Reconcevoir, Refuser et Remplacer. Par exemple, des hôtels ont remplacé les bouteilles et gobelets en plastique par des alternatives écologiques. Quality Beverages Ltd a investi dans des lignes de production de bouteilles en verre, offrant ainsi aux consommateurs le choix d’utiliser des bouteilles réutilisables ou le Groupe Phoenix Beverages qui a procédé au changement d’emballage des bouteilles en PET de la couleur verte à la transparence pour ainsi valoriser le recyclage. Certaines usines textiles ont même remplacé les em- ballages en plastique par des sacs en tissu réutilisables. Il est aussi encourageant de constater, lors des Environmental Awards 2023, les initiatives volontaires par des entreprises et des ONG pour la collecte et le recyclage des déchets plastiques. Des com- merçants ont commencé à encourager les clients à apporter leurs propres récipients pour les produits frais tels que le poulet, la viande ou la charcuterie. D’autres proposent d’autres alternatives écologiques.

Quels sont les défis économiques et sociaux auxquels votre ministère est con- fronté pour faire avancer ce combat ?

Effectivement, les défis économiques et sociaux sont nombreux. Les entreprises font face à des contraintes financières pour rem- placer leurs machines et équipements, et la disponibilité d’alternatives abordables est un enjeu majeur. De plus, la transition vers des solutions alternatives au plastique peut entraîner des pertes d’emplois. Les indus- tries ne peuvent effectuer des changements du jour au lendemain en raison des coûts associés à la mise en place de nouvelles chaînes de production. La pandémie de la COVID-19 et la guerre en Ukraine ont ralenti leurs initiatives en matière de transition vers des alternatives au plastique. En tant que petit État insulaire en développement, nous sommes isolés sur le marché mondial, ce qui rend difficile pour de nombreuses entre- prises de trouver des alternatives adéquates et abordables au plastique. De plus, la pandémie de la COVID-19 et la guerre en Ukraine ont entraîné une augmentation
des prix à plusieurs niveaux et cela a ralenti les progrès des entreprises locales vers
des alternatives écologiques. Il est vrai que certaines alternatives écologiques pour remplacer le plastique traditionnel sont plus coûteuses, ce qui a un impact sur les prix des produits finaux et, par conséquent, sur les consommateurs. C’est en tenant compte de tous ces obstacles que nous avons prolongé le moratoire sur certains types d’emballages en plastique jusqu’en 2025.

On dit que c’est mieux de mettre les enfants en avant dans des projets écologiques. Est-ce qu’il y a des projets au niveau du ministère pour éduquer les enfants par rapport à la non-utilisation des sacs en plastique ?

L’éducation et la sensibilisation environne- mentale de nos jeunes sont notre priorité. D’ailleurs, des discussions régulières sont organisées dans nos écoles primaires, sec- ondaires et tertiaires sur diverses théma- tiques, y compris la pollution plastique. Des campagnes de nettoyage sont également régulièrement organisées par des ONG. Les médias, y compris les émissions de radio et de télévision, les débats radiophoniques, les programmes télévisés, les clips vidéo, les affiches, les dépliants et les fiches d’informa- tion, ainsi que des campagnes de nettoyage, des expositions et des concours d’essais, de peinture et d’affiches sont régulièrement organisés pour sensibiliser les enfants de tous âges. La sensibilisation pour adopter de bonnes habitudes et pratiques et dire non aux plastiques non essentiels ne cessera pas.

Nos plages sont souvent sales avec des bouteilles et des sacs en plastique. Com- ment sévir contre les pollueurs ou encore les éduquer ?

La loi cadrée pour la protection de l’environ- nement prévoit des contraventions pour des délits tels que les décharges sauvages d’or- dures et de déchets. Malgré les contraven-tions établies, les campagnes de nettoyage et les programmes d’éducation organisés par divers acteurs, y compris les ONG, le manque de civisme de la part de la popula- tion reste un défi majeur. En collaboration avec différents partenaires, nous menons depuis des années, une lutte acharnée con- tre les pollueurs tout en les éduquant.

Nous ne cesserons pas de sensibiliser la population à adopter de bonnes habitudes et pratiques. J’insiste une fois de plus sur le fait que la protection de l’environnement est une responsabilité individuelle et collective. Dénonçons les contrevenants en postant leurs photos sur le numéro WhatsApp de la Police de l’Environnement - 52505151.