[LE POINT] Shirin Gunny : "Made in Moris est aujourd’hui une cause nationale"
[LE POINT] Shirin Gunny : "Made in Moris est aujourd’hui une cause nationale"
En dix ans, le label Made in Moris a parcouru bien du chemin pour s’imposer comme une marque à part entière dans le paysage local. Le travail abattu reste certes « colossal », mais il ne s’arrête pas là, selon Shirin Gunny, CEO de l’Association of Mauritian Manufacturers et de Made in Moris. « Mieux encore, le Made in Moris intègre désormais l’industrie des services », confie-t-elle dans l’entretien qui suit.
Mine de rien, le concept, le label Made in Moris a déjà dix ans à son compteur. Allons droit au but. Comment a-t-il évolué et où en sommes-nous aujourd’hui Mme Gunny ?
C’est un travail colossal qui a été abattu depuis 2012, année où l’Association of Mauritian Manufacturers lance le projet d’un label pour promouvoir la production locale de qualité. Notre label a été lancé officiellement en juillet 2013. La pertinence de la mission de l’AMM et le rayonnement du label Made in Moris n’ont cessé de se renforcer. Le Made in Moris représente aujourd’hui, un outil de différentiation et de valorisation du secteur manufacturier. Nous plaidons, depuis toujours, pour une production et une consommation plus durables. Nous avons terminé 2022 avec plus de 50% d’augmentation de nos adhésions Made in Moris réussies, le lancement du Made in Moris Pledge pour l’intégration de nos marques dans les supply chains des entreprises et la présentation d’un 7e Cahier des Charges, celui de l’Industrie des Services.
Combien de marques avez-vous sous votre ombrelle à ce jour ?
Rappelons que l’adhésion au label Made in Moris est une démarche volontaire. Aujourd’hui, le Made in Moris fédère près de 150 entreprises et représente plus de 350 marques et 3800 produits. Ces chiffres reflètent bien la popularité du Made in Moris auprès de tous les Mauriciens et des chefs d’entreprises. D’un simple projet de l’AMM en 2012, le label est aujourd’hui devenu une cause nationale. Une plateforme pour soutenir notre communauté d’industriels qui continuent, envers et contre tout, de servir la population mauricienne.
Est-ce une impression ou une réalité quand on dit que Made in Moris se résume qu’à l’alimentaire ?
C’est une fausse perception. Le Made in Moris est la vitrine de la diversité de notre industrie locale. Le label est octroyé aujourd’hui dans 7 secteurs économiques : production industrielle, textile, agro-alimentaire, agricole, culturel, créatif et numérique, services hôteliers et industrie des services. Nous labellisons des produits agro-alimentaires, des marques textiles, des innovations technologiques et des produits culturels, pour ne citer que. Le label est construit autour de différents Cahiers des Charges développés avec SGS Mauritius, notre partenaire stratégique en matière de qualité. De plus, l’attribution du label se fait par SGS qui agit en tant qu’organisme certificateur indépendant et impartial via des visites de conformité.
Quels sont les secteurs émergents ou les produits « atypiques » qui ont adhéré au label Made in Moris ?
Nous sommes très fiers de l’introduction, en 2022, de l’industrie des services. Le Made in Moris a toujours été pensé pour être le reflet de notre économie, de ses différentes facettes et de son évolution. Nous sommes la vitrine d’un savoir-faire industriel diversifié à l’Ile Maurice aujourd’hui. Nous nous inscrivons, avec le lancement de ce 7e Cahier des Charges, celui de l’Industrie des Services, dans la transformation de notre économie. Notre label veut répondre au mieux au marché mauricien. Nous avons la volonté de reconnaître un pan important de l’économie mauricienne. Les services représentent une autre facette du savoir-faire mauricien. Et cela nous permet de valoriser un secteur qui représente plus de 66 % de notre PIB et emploie plus de 350 000 personnes. Il ne faut pas oublier que l’industrie des Services a contribué à près de 70 % de l’emploi total en 2021. Le label permet de célébrer ces ressources humaines qui contribuent à notre économie et leur valeur ajoutée. Ce Cahier des Charges Industrie des Services nous donne l’occasion de saluer ce génie mauricien qui nous permet, depuis des dizaines d’années, de défier les contraintes liées à notre insularité.
Essayons de voir « Made in Moris » comme un oiseau migrateur. Où avons-nous posé nos ailes ou nos pattes sur le globe depuis que le label existe ?
Il faut d’abord comprendre que l’AMM et ses industriels ont pour mission de servir d’abord le marché local. On a bien vu, lors des récentes crises (pandémie et conflit russo-ukrainien), l’importance d’avoir des producteurs locaux sur le territoire. Nos producteurs locaux ont pris des risques pour que les familles mauriciennes ne manquent pas de denrées essentielles. Cela dit, nos industriels ont, évidemment, les yeux tournés vers l’export. De notre côté, nous avons développé une Export Roadmap et avons déjà mené des missions de prospection au Kenya. Nous comptons relancer notre stratégie export cette année. Nous estimons que nous devons surtout nous intéresser à l’Afrique de l’Est et aux marchés niches. Nous estimons qu’il faut également construire nos connaissances de ces marchés africains et de leurs millions de consommateurs, et s’assurer de la pertinence d’introduire nos produits sur ces marchés.
Quels sont vos plans par rapport aux produits Made in Moris sur le marché local et international, du moins en Afrique étant donné les avantages que les accords commerciaux confèrent au gouvernement mauricien et par extension aux producteurs locaux, notamment au niveau de SADC, la COMESA et autres ?
Avant de profiter de ces accords, il faut d’abord s’interroger sur les facilités disponibles pour permettre aux industriels mauriciens d’envoyer leurs produits sur le continent africain. La question de la desserte aérienne ou maritime sur l’Afrique reste très problématique. La connectivité est très importante. Il faut aussi identifier les gammes de produits qui conviendront aux marchés africains qui deviennent sophistiqués. Pour cela, il faut comprendre les différents marchés et segments en Afrique. Pour cela, il faudrait que nos industriels puissent se rendre régulièrement et facilement dans les pays d’Afrique.
Quelle est la part et l’importance du développement durable dans l’évolution de Made in Moris ?
C’est notre ADN. Nous menons ce plaidoyer pour une production locale responsable et une économie locale inclusive. Selon notre Cahier des Charges, un adhérent doit obligatoirement s’engager sur trois Objectifs de Développement Durable. En général, nos industriels s’engagent sur les ODD 8 (travail décent et croissance économique), 9 (industrialisation durable qui profite à tous), 12 (modes de consommation et de production durables) et 17 (partenariats efficaces entre les gouvernements, le secteur privé et la société civile). Aujourd’hui, nous avons pris des initiatives ou lancé des programmes qui s’inscrivent dans le développement durable. Nous avons collaboré avec la Tourism Authority pour le développement de produits et services touristiques authentiquement mauriciens. Avec l’AMM, nous avons le programme Lindistri Dime pour la transformation du secteur manufacturier. Ce programme aborde l’éco-conception, la gestion durable de la supply chain et l’automatisation. Et finalement, notre initiative Made in Moris Pledge représente un mouvement pour une économie plus inclusive et les circuits d’approvisionnement plus courts et plus propres, donc, meilleurs pour notre île et la planète.
« Made in Moris » est un label, c’est sûr, mais dix ans après, peut-on dire ou penser que la production locale est aujourd’hui bien ancrée dans la mentalité et le mode de consommation des Mauriciens ?
La pandémie a servi de « wake-up call » pour la population. Nous avons observé une évolution très positive par rapport à l’industrie locale et un intérêt accru pour notre label Made in Moris. Nous avons réalisé un sondage après le premier confinement. Les résultats sont clairs. 98% des Mauriciens estiment que l’industrie locale est essentielle pour la sécurité alimentaire et la stabilité économique du pays. Mieux encore, 92% des Mauriciens estiment qu’il est important d’acheter des produits labellisés Made in Moris. Le nombre de demandes d’adhésion au label Made in Moris a doublé entre 2021 et 2022. C’est un signe très fort sur une prise de conscience sur l’importance de la production locale. En 2022, le label a accueilli 89 nouvelles marques produites par 41 entreprises. Mieux encore, le Made in Moris intègre désormais l’industrie des services. Nous avons également lancé le « Made in Moris Pledge » pour intégrer les produits Made in Moris dans la chaîne d’approvisionnement des grands groupes. A ce jour, nous avons 15 entreprises de toutes tailles qui souhaitent entrer dans le Made in Moris Pledge. Cela ne pourra que générer de la valeur pour les marques labellisées et renforcer l’effet multiplicateur de la production locale dans notre économie.