ZAINAB SOYFOO, championne de slam :

Zanfan Koltar Lor Larout 197

· METRO TALK
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Zainab Soyfoo, 31 ans, vient tout juste de remporter la ligue de slam en douze manches et ce n’est que justice. Plébis- citée par le jury, portée par une critique unanime, ses slams inédits, écrits au gré de ses vécus depuis son enfance, témoignent d’un réalisme et d’une richesse sans pareil. Ses écrits l’ont certes embarqué sur la voie du succès, mais pour elle, c’est aussi une « route spirituelle » qui tendent à la mener vers elle-même. Rencontre avec celle qui a réussi un coup de maître dès son premier essai grâce à une histoire d’enfance et de « koltar ».

Zainab, vous travaillez quoi comme texte en ce moment ?

En fait, quand il s’agit de textes, je travaille sur plusieurs en même tempsà la fois. Les idées, je les prends comme et quand elles viennent. Allons dire que les textes sur lesquels je planche en ce moment sont ‘aller Ale-vini lot pei’ et ‘Mo ti maybourzwa’. Le premier parle de voyages. Aujourd’hui, prendre l’avion c’est comme prendre le bus de Curepipe pour aller à Port-Louis. L’autre projet parle de quelqu’un qui habite Mahébourg. J’y travaille depuis déjà deux mois.

Vous semblez puiser votre inspiration de la vie de tous les jours. Zanfan Koltar a-t-il été le déclic ?

En effet… J’ai essayé un créneau et je ne savais pas si les gens allaient aimer. Slamer en public sur ‘letan lontan’ n’a pas été choisi un choix, c’est arrivé comme ça. Je dis toujours que ce n’est pas le hasard, mais un parcours spirituel qui m’a permis de me reconnecter avec mon enfance.

Comme un retour aux sources…

C’est ça en fait. C’est pour cela que je parle de parcours spirituel. Mon enfance n’était pas extraJe me recontre rends compte que je n’ai pas vraiment ‘finn enjoy ek feel’ mon enfance. Et c’est là que tout t commence…

Est-ce facile de porter plusieurs chapeaux à la fois dont celui de la quand on est prof, la slameuse et… de Zainab ?

On va dire que sur scène c’est différent. Dans ma vie professionnelle et en temps normal, rien ne change vraiment.

Le regard de vos élèves sur vous a-t-il changé depuis que vous êtes championne de slam ?

Dans ma vie professionnelle, mes collègues m’encouragent et me témoignent de leur fierté. Du côté des enfants, c’est différent. On peut dire qu’il y a comme un « mixed reaction ». Certains me félicitent, me parlent d’un article qu’ils ont lu dans le journal ou me sollicitent parce qu’ils veulent devenir slameur. D’autres… (rires), quand ils me voient ils me lancent ou chuchote des petites phrases avec « zanfan koltar » ou « zanfan lari » pour en faire commecomme pour me taquiner.

Votre frère a joué un rôle important dans votre enfance. Parlez-nous de cette complicité.

Oui. Nous sommes issus d’une famille de cinq enfants. Je suis la benjamine et la seule fille. Mon frère, Djaleel, avait a deux ans de plus que moi. Donc, il veillait tout le temps sur moi. Quand il jouait au foot, je jouais au foot ! Enfant, je n’aimais pas l’école et je pleurai tout le temps. Lui, il m’encourageait et m’achetait des gâteaux pour me calmer. Aujourd’hui, il est toujours-là comme un support. Quand il est retourné de Chine après ses études, c’est lui qui m’a poussé à faire mon Masters en éducation.

Racontez-nous une anecdote de votre enfance qui sort de l’ordinaire ?

C’est un truc qui paraît idiot... (rires) Les samedis après-midi, quand on n’avait rien à faire, on fouillait dans la terre parce qu’il me disait qu’on pourrait trouver un trésor caché. Je le croyais et je me mettais à fouiller avec plein d’énergie. C’était tellement innocent quoi !

Vous êtes plutôt N3310, smartphone ou laptop ?

Vous connaissez tous mes textes quoi ! Laptop… avant j’utilisais un cahier, mais un jour je me suis dit que je ne pouvais prendre de risque. Car un cahier peut se perdre facilement.

Et les réseaux sociaux ?

Avant je n’y attachais pas trop d’importance. Maintenant, dans mon casdans ma situation, c’est un outil de travail, pour communiquer et faire du PR. Mais, je n’en suis pas accro.

Vous qui êtes éducatrice, quel est votre regard sur les réseaux sociaux par rapport aux jeunes ?

Je pense que l’impact peut être vu de deux façons. Il y a le jeune qui agit comme un consommateur passif, qui consomme tout ce qu’on poste à chaque fois qu’il se connecte. Puis il a l’autre jeune qui consomme et utilise le réseau social avec ses avantages. C’est cette culture passive qui pose problème.

Votre meilleur souvenir jusqu’ici en tant que slameuse ?

C’est un classique : Zanfan koltar ! C’est une expérience inoubliable, car c’était mon premier slam et je suis sortie en tête. C’était comme un tourbillon d’émotions. ‘Zanfan Koltar’ a changé ma vie !

Macro dans bwat sardine. Vous savez ou je peux m’en procurer ?

(Rires) Ou finn dekortik tout mo slam ! Non, c’est ‘Macro dan bwat ton’.

D’où sortez-vous ces petites phrases qui, j’en suis sûr, ont le potentiel de devenir des expressions populaires du jargon créole tôt ou tard ?

Ce n’est pas vraiment une expression que j’utilise, mais elle est venue comme ça. C’est une expression métaphorique qu’on peut interpréter de différentes manières.

Vous êtes prof, mais vous n’aimiez pas l’école. Expliquez-moi ce contraste ?

(Rires) Cela n’a pas toujours été le cas. J’ai choisi de prendre cette route parce que je pense que je peux changer les choses à ma façon en dehors du conformisme de notre système éducatif. C’est pour cela que j’ai créé le projet Zedesse qui propose d’apprendre à travers le jeu. Dans ce contraste comme vous le dites, c’est une personne en particulier qui m’a aidé à tout voir autrement. Elle s’appelle Johanne Permal, mon lecturer à l’université. Elle m’a aidé à passer par une ‘transformative journey’ à un moment où je voulais tout abandonner. Elle m’a aidé à comprendre combien et comment on peut faire ‘to impact on the life of others’. C’est le genre de personne, de professeur qui ont des qualités ‘ki pa tou dimoun ki enan’.

Passons aux choses extrêmement moins sérieuses. C’est quoi votre plat préféré ? ‘Brede toufe ek rougay’, c’est ça ?

Non… (rires) Il faut ajouter du riz blanc, puis de la rougaille accompagnée de ‘ toufe bred sousou’. Me permettrez-vous de vous poser une question à la fin puisque vous semblez connaître tous mes textes. ?

Me demandez-vous de déroger aux règles du jeu ?

Pourquoi pas !

Revenons à vos habitudes culinaires. La dernière fois que vous avez voyagé en en avez-vous trouvé sur les menus ?

(Rires) La dernière fois que j’ai voyagé en compagnie de mon frère, il a mis ses mains sur sa tête et s’est dit : « kot mo pou ale rode lanti pou twa dan dezer ». C’est pour vous dire que je ne m’aventure pas trop par rapport à tout ce qui a trait à la nourriture.

À quelle fréquence tapez-vous votre nom sur ‘Google search’ ? Êtes-vous surprise du résultat ?

(Rires) La première fois que je l’ai fait, cela m’a énormément surpris énormément. Je n’avais pas idée des contenus et articles me concernant. Je ne suis pas si narcissique, mais je le fais de temps à autres.

Quelle est la forme d’impolitesse qui vous énerve le plus sur nos routes ?

Je ne conduis pas, mais je suis attristée par le nombre de jeunes qui y ont perdu leur vie. Ce qui m’énerve le plus, c’est quand je vois des chauffeurs qui doublent dans un tournant et des jeunes à moto ‘ki p fer rali’. Pour moi, la roue ‘pa p tourn koman bizin’. Il y a un manque d’éducation et de formation quelque part.

Racontez-nous une histoire récente qui est liée à votre nouvelle popularité en tant que slameuse ?

Hmmm… J’ai assisté à un mariage hier. Les gens me regardaient, mais ne m’abordaient pas jusqu’à ce qu’un jeune le fait. Puis d’autres personnes l’ont rejoint, et à un moment ils me demandent demandaient de faire un ‘ti slam’. C’était vraiment embarrassant, car ce n’était ni le lieu, ni le moment.

Vous l’avez fait finalement ?

Non. Comme je ne sais pas trop dire non, je me suis dit que je dois travailler sur la façon dont je dois répondre, de la manière la plus diplomatique possible pour dire non. J’y travaille.

Peut-on faire du slam son métier aujourd’hui ?

Définitivement, il y a des opportunités et des ouvertures qui peuvent en faire un gagne-pain. Dans mon cas, on me sollicite chaque semaine, mais je décline parfois des invitations, car cela prend du temps pour écrire et si je ne peux produire un texte compréhensible, adapté et avec un fond, je ne le fais pas. Ma priorité reste mon métier d’enseignant.

Pour conclure, vous pensez quoi de l’avènement du Metro à Maurice ?

Je pense sincèrement que ce système de transport a amélioré la vie des Mauriciens dans son ensemble. Je m’amuse souvent à imiter la voix de la personne qui annonce l’arrivée à une station en disant « le prochain arrêt est à la station de Rivière des Anguilles » !

Puis-je vous poser la question maintenant. ?

- Allons-y, inversons les rôles.

 

Zainab : Lequel de mes slams préférez-vous ?

Sincèrement, Zanfan koltar pour moi est une pépite qui n’aurait échappé à aucun jury. Il transcende le temps et les idées. Mon cœur et, par défaut professionnel, choisit ‘Larout 197’, qui a su transformer un sujet banal, mais ô combien vrai, en un slam qui nous fait voyager dans un temps oublié ou enfoui dans nos mémoires quant à la misère quotidienne du public voyageur.

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